SCIENCES HUMAINES
Entretien avec le neuropsychiatre Boris Cyrulnik
"Il ne faut jamais réduire une personne à son trauma"
Ethologue de formation, Boris Cyrulnik a ouvert en France le champ de la recherche à léthologie humaine dans une approche résolument pluridisciplinaire, bouleversant de nombreuses idées reçues sur lêtre humain*. Ses deux derniers ouvrages, Un merveilleux malheur et Les Vilains Petits Canards, qui ont connu un immense succès en France, relatent ses travaux sur le concept de résilience, cette capacité à pouvoir surmonter les traumatismes psychiques et les blessures émotionnelles les plus graves : maladie, deuil, viol, torture, attentat, déportation, guerre... Autant de violences physiques et morales auxquelles des millions denfants, de femmes et dhommes sont exposés dans le monde aujourdhui. Sappuyant sur de nombreux exemples observés sur le terrain, dans son cabinet de psychothérapeute comme lors de ses missions à létranger - de la Bosnie au Cambodge, en passant par le Brésil ou la Russie -, il nous explique comment, même dans les cas les plus terribles, les personnes peuvent sen sortir et reprendre le cours de leur vie, grâce à quelles facultés acquises dans lenfance et à quels soutiens après lexpérience traumatisante.
Label France : Quest-ce qui caractérise un traumatisme et le distingue dune simple épreuve physique ou morale ?
Boris Cyrulnik : Pour pouvoir parler de traumatisme il faut "avoir été mort", pour reprendre lexpression employée par des écrivains comme Primo Levi, Jorge Semprun [rescapés des camps dextermination nazis] ou la chanteuse Barbara [victime dinceste de la part de son père], ainsi que par beaucoup de personnes avec qui jai travaillé. Alors que dans lépreuve, on souffre, on se bagarre, on déprime, on est en colère, mais on se sent bien vivant et on finit par surmonter les choses. Dans le cas dun traumatisme, les personnes demeurent prisonnières de leur passé et revoient bien souvent pendant des années les images de lhorreur quelles ont vécue.
Dautre part, et cest la psychanalyste Anna Freud qui a expliqué cela, il faut frapper deux fois pour faire un traumatisme : une fois dans le réel (cest lépreuve, la souffrance, lhumiliation, la perte) et une fois dans la représentation du réel et le discours des autres sur la personne après lévénement. Cest, en effet, bien souvent dans le discours social quil faut chercher à comprendre leffet dévastateur du trauma.
"Il
faut frapper deux fois pour faire
un traumatisme : dans le réel
et dans sa représentation"
Lidée que lon se fait de ce qui nous est arrivé dépend beaucoup du regard des autres. Si vous avez du dégoût, de la pitié, de lhorreur pour ce qui mest arrivé, cest votre regard qui va transformer mon épreuve en traumatisme. Je pense aux femmes violées en disant cela. Elles racontent presque toutes que ce nest pas la compassion qui les a aidées à sen sortir, mais quand un homme leur a dit "je compte sur toi". Que quelquun ait à nouveau de lestime pour elles les a réparées en tant que femmes.
Limpact dun traumatisme dépend donc aussi de la perception, du sens que lui attribue la personne atteinte. Il y aurait une certaine relativité des causes de traumatismes...
BC : Freud sétonnait de la grande inégalité des traumatismes. Il est en effet très frappant de voir que des personnes seffondrent pour des raisons qui, pour la plupart des gens et vues de lextérieur, nont aucune gravité. A linverse, on voit des gens qui traversent des épreuves immenses et redémarrent dans la vie alors que la majorité dentre nous se dit quelle naurait jamais pu sen sortir. Cette différence de réaction sexplique notamment par la signification que prennent les événements dans lhistoire de chacun.
Quel type déducation et de liens avec lenfant, dès son plus jeune âge, voire avant sa naissance, favorise le développement de ses capacités de résilience ?
BC : On propose la distinction entre les ressources internes et les ressources externes. Les ressources internes sont celles qui ont été imprégnées dans notre mémoire biologique avant la parole, au cours des interactions précoces du bébé avec son entourage. On constate que lorsquun enfant est élevé dans un milieu affectivement stable, il acquiert cette confiance primitive préverbale - cest linconscient cognitif, et non linconscient freudien du refoulé - qui fait quen cas de problème il recevra le "premier coup", il souffrira, il sera malheureux, il pourra même déprimer, mais il aura au fond de lui le sentiment quil a été aimé, et donc quil est aimable, ce qui lui permettra de garder espoir et de rebondir.
Cette sécurité affective commence à se construire dans les six dernières semaines de la grossesse, si la mère nest pas stressée, et surtout la première année après la naissance. Dautre part, elle sétablit à condition que lenfant participe à une relation triangulaire qui inclut les deux parents, ou tout autre partenaire affectif fort de la mère, que cela soit un autre homme, sa propre mère, son propre père... Ce sont ces trois personnes qui, dans leurs interactions, sont coauteurs du développement de lenfant, qui nest pas un récipient passif.
Après le traumatisme du nazisme en Europe, qui avait glorifié lautorité jusquà la destruction des personnalités, on a assisté à un rejet de lautorité. On a pensé que moins on imposerait de contraintes aux enfants, mieux ils se développeraient. Cela a bousillé une ou deux générations dAméricains en particulier. La notion nouvelle qui apparaît avec la résilience, cest quil faut donner aux enfants des occasions de victoire, pour renforcer leur confiance en eux, ne pas faire à leur place, ne pas trop les protéger car cela crée des personnes qui, à ladolescence, sont souvent obligées de se mettre à lépreuve par des conduites à risques, des passages à lacte pour découvrir qui elles sont et ce quelles valent vraiment.
Quest-ce que les tuteurs de développement, dont vous parlez, et quel est leur rôle ?
BC : Faire naître un enfant nest pas suffisant, il faut aussi le mettre au monde, disposer autour de lui les circuits sensoriels et sensés qui lui serviront de tuteurs de développement. Même si un enfant est sain génétiquement, neurologiquement, mais quautour de lui il nexiste pas des manières de le toucher, de lui parler, de le toiletter, ou même de le gronder, son développement sera gravement altéré. La privation de contacts et daffection peut aller jusquà entraîner des atrophies physiques et cérébrales. Dans des institutions où les enfants orphelins sont dépersonnalisés, on voit même des filles ne pas se féminiser hormonalement.
Ce qui montre combien lidentité sexuelle est aussi une construction sociale et culturelle...
BC : En effet, la différence entre les sexes est dordre hormonal, anatomique, mais aussi énormément dordre affectif et culturel. Cest notre civilisation occidentale qui a clivé le biologique dun côté et le culturel de lautre, mais ils sont en réalité en interaction. Cest pourquoi un enfant, pour se développer, a autant besoin de glucides que de paroles.
Quelles peuvent être les réactions dun individu après un traumatisme et à quelle logique obéissent-elles ?
BC : Il faut savoir quun traumatisme est réparable mais pas réversible. Il y a une contrainte à la métamorphose. Si on a acquis des ressources internes et quautour de nous, après le traumatisme, il y a des ressources externes - des tuteurs de résilience -, on a plus de chances de sen sortir que de rester blessé. Sinon, on devient vulnérable. Limpact des traumatismes est donc très inégal selon lhistoire des personnes et leur environnement.
Il existe chez lêtre humain des stratégies adaptatives, des troubles post-traumatiques qui visent à moins souffrir. Mais cette adaptation face à un trauma, chez les enfants notamment, nest pas toujours bénéfique lorsquelle entraîne une amputation de leur personnalité, la soumission, le renoncement à devenir soi-même, la recherche de lindifférence intellectuelle, la glaciation affective, la méfiance ou la séduction de lagresseur.
Certaines réactions peuvent être salvatrices alors quelles sont condamnées par la société. Ainsi, les enfants abandonnés vivant dans les rues, notamment en Amérique latine, ne peuvent survivre quà condition de devenir délinquants. Celui qui ne sait pas voler, qui ne sait pas sassocier avec dautres pour agresser les adultes, a une espérance de vie de huit ou dix jours. Dans leur cas, la délinquance a une valeur adaptative à une société folle.
"Pour
se développer, un enfant a autant
besoin de glucides que de paroles"
Autre réaction salutaire dans certains cas après un trauma, le déni de mémoire. Je pense quil est respectable, par exemple à léchelle dun pays qui a connu une guerre civile et qui a besoin de se reconstruire. Ainsi au Cambodge où les Khmers rouges mangent aujourdhui à la même table que les enfants de ceux quils ont assassinés. Comment faire pour coexister et aller de lavant après des drames pareils si on ne pratique pas le déni ?
Vaudrait-il mieux alors pour les sociétés ne pas assumer sur la place publique certaines horreurs commises ou subies dans le passé pour pouvoir se reconstruire ?
BC : Les Africains du Sud, ayant la connaissance de nos travaux, ont décidé dorganiser tout de suite après labolition de lapartheid des débats entre Blancs et Noirs, et cela sest terminé par une catastrophe. Cela ravivait les tensions et creusait le fossé entre les communautés, les gens sortaient avec la haine au ventre, parce que la blessure était trop récente.
Ne pensez-vous pas quà terme il reste tout de même important pour un pays de pouvoir regarder son histoire en face ?
BC : Cela dépend. Je compare le déni à la réaction des blessés de la route qui, lorsquils arrivent à trouver une position antalgique, refusent dêtre bougés si on veut les aider. Ils ont raison, car si on les touche nimporte comment on risque daggraver leurs blessures et de les faire souffrir. Mais ils ont également tort car on ne peut pas les sauver en les laissant sur la route. Je pense quil faut tenir compte de cet aspect-là. Idéalement, il faudrait pouvoir ouvrir les dossiers tout de suite tout en évitant la guerre civile, ce qui paraît rarement possible, malheureusement.
Quelle attitude devraient adopter les proches, les professionnels, les pouvoirs publics pour aider les personnes traumatisées, notamment les enfants, à guérir et à sépanouir ?
BC : Il est crucial de souligner que même dans les cas les plus terribles, comme ceux des enfants qui ont assisté au massacre de toute leur famille, il y a toujours de lespoir, car la plupart des déterminismes humains ne sont pas définitifs. Mais il est indispensable pour cela de ne pas considérer la personne comme fichue. Déclarer quun enfant est foutu et labandonner à son sort revient à créer les conditions de ce quon a prédit. Il ne faut pas réduire la personne à son trauma ou lenfermer dans une position de victime.
"Faire
taire les personnes traumatisées
empêche leur guérison"
Dautre part, la possibilité de résilience dépend beaucoup des réactions émotionnelles de lentourage, pour qui il est souvent très difficile de supporter la représentation de latteinte que leur enfant, leur conjoint ou leur parent, a subie. Mais ce nest surtout pas en plongeant avec lui que lon va aider lenfant, la femme, lhomme blessés.
Quelle est limportance de la parole dans la guérison ?
BC : Il est très important de ne pas faire taire les personnes traumatisées. Si on les réduit au silence, parce quil est trop dur dentendre ce quelles ont à raconter, parce quon ne laccepte pas, leur personnalité va se cliver. Une partie delles-mêmes, qui sera obligée de rester secrète, pourra alors sexprimer par des changements dhumeur ou de lagressivité en apparence inexplicable. Les soldats des guerres non assumées (Algérie, Vietnam) par leur pays ne peuvent ainsi jamais sen sortir, tandis que ceux qui ont été soutenus par leurs proches ou la société ne développent pas de syndrome posttraumatique.
Enfin, il faudrait offrir loccasion à la victime de donner, de se rendre utile, afin quelle puisse réparer son estime de soi. Nous avons là tout un travail culturel à mener pour ne pas nous contenter dassister les personnes. Dans le cas denfants en difficulté, violents, délinquants, il sagit de les responsabiliser en leur confiant des tâches rémunérées qui les valorisent et qui soient utiles à la communauté, comme cela se fait en Grèce, en Suède ou en Islande par exemple.
Et les tuteurs de résilience ?
BC : On doit disposer autour des enfants blessés des tuteurs pour les aider à reprendre leur développement. Ce qui compte, cest dinviter ces enfants à faire quelque chose de leur trauma, sans attendre que les hasards de la vie placent sur leur chemin une rencontre, une passion qui leur permettra de redémarrer. Cest pourquoi, sil leur est trop difficile dexprimer verbalement ce qui leur est arrivé, nous proposons aux enfants dautres modes dexpression, notamment artistiques (le dessin, lécriture de pièces de théâtre, de poésie...), qui permettent la maîtrise de lémotion et la mise à distance du trauma.
Enormément danciens enfants blessés sengagent dans des activités artistiques ou militantes au service des autres. Presque tous cherchent à comprendre le pourquoi de ce qui leur est arrivé et développent une capacité dintellectualisation importante. Ce qui est pour eux un mécanisme de défense précieux a aussi le mérite de profiter à la société tout entière. Ces modes de résilience sont culturels et bénéfiques pour tous. Ils pourraient facilement être mis en uvre par toutes les cultures.
Y a-t-il des expériences insurmontables en elles-mêmes ?
BC : Il y a des situations où le choc du réel est tellement fort que lêtre humain ne peut plus rebondir. Dautres aussi où labsence de sens prive lindividu de défense pour réagir. Dans les camps dextermination nazis, par exemple, ceux qui sont partis les premiers se demandaient pourquoi ils étaient là, ils ne comprenaient pas, alors que les communistes, les opposants politiques, les résistants, qui savaient pourquoi ils étaient là, tenaient mieux le coup et arrivaient à se battre et à sorganiser.
Les capacités de résilience varient-elles en fonction de lâge, sont-elles très différentes entre un enfant et un adulte ?
BC : Ce qui traumatise un enfant nest pas ce qui traumatise un adolescent ou un adulte. Avant la parole, ce qui traumatise un enfant, cest la perte affective, son monde se vide. Après, avec la parole, cest ce quon dit de son traumatisme, " le pauvre, il a perdu sa mère, il vaut moins que les autres ". Ce sont des phrases qui étaient déjà prononcées pour les bâtards. Pour un adulte, cest la signification que son histoire donne à ce qui lui est arrivé qui peut être traumatisante.
Un enfant a une plasticité supérieure à celle dun adulte, mais même âgés, les êtres humains ont encore la capacité de récupérer et de sadapter, nous le vérifions dans le cas de personnes souffrant de la maladie dAlzheimer. Sils oublient la parole, ils développent dautres modes de communication avec les autres que nous devons apprendre à décoder.
Y a-t-il un type de culture qui soit plus favorable quun autre au développement de personnes résilientes ?
BC : Pour que la culture offre des tuteurs de résilience, il faut quelle engendre des acteurs bien plus que des spectateurs. Cest pourquoi joppose la " culture créative " à la " culture passive ", qui domine nos sociétés de consommation et de divertissement.
Les cultures favorables à la résilience sont celles où tout le monde accède et participe à la culture, en sortant, en allant au spectacle, en lisant, en discutant de ce quon a vu, ressenti, face à des histoires qui traitent des problèmes de chacun. Cest une fonction importante de lart que de mettre en scène nos représentations intimes, dont on pourra parler avec nos proches.
Comment expliquez-vous la violence de certains adolescents dans nos sociétés ?
BC : Je pense quelle repose notamment sur un problème déducation précoce. Le façonnement de linterdit se joue en grande partie au cours de la deuxième année. Cest le moment où les enfants doivent apprendre linterdit comportemental, lorsque lempathie, laptitude à se représenter le monde de lautre se met en place, lenfant doit savoir quil ne peut pas tout se permettre. Or, si un enfant est entouré par des parents qui font tout à sa place et hésitent à lui interdire quoi que ce soit, il a de grandes chances de devenir un adolescent violent, parce quil ne saura pas poser de limites à ses désirs.
Quel est léquilibre à trouver entre la sanction et léducation des enfants, des adolescents délinquants ?
BC : La sanction est nécessaire parce que si on ne les punit pas, ils se puniront eux-mêmes, notamment par des conduites autodestructrices. Je vous citerai le cas de ces deux frères qui se bagarraient pour jouer et dont laîné, frappé à lestomac, est décédé dune hémorragie interne avant larrivée des secours appelés par leurs parents. Ceux-ci décidèrent de ne pas révéler les circonstances de la mort de leur fils pour ne pas envoyer leur cadet en prison. Ce garçon que jai suivi en psychothérapie, hyperdoué, hyperintelligent, sest puni de différentes façons pendant une quinzaine dannées. Jaffirme que si ce garçon avait été sanctionné par la société, qui a le devoir dénoncer et de rappeler la loi, il aurait payé, il aurait souffert, et il aurait été libéré de cette culpabilité.
Dautre part, il faut privilégier la responsabilisation à travers des démarches de réparation. On demandera, par exemple, à un enfant qui attaquait des vieilles dames daller faire leurs courses. A travers le lien qui sétablit entre eux et leur " victime ", grâce à lutilité de ce quils font, ces enfants acquièrent une fierté, un respect des autres ou de leur quartier étonnant. Ces expériences donnent de très bons résultats car les enfants qui commettent ces actes sont généralement des enfants désinsérés, largués, sans repères. Ils dérivent souvent vers des sectes, des bandes, qui glorifient la violence et la brutalité, mais où ils trouvent des règles et des lois, souvent très dures dailleurs.
Que pensez-vous de la prison ?
Est-elle toujours la solution ?
BC : La prison, cest une école de délinquance, cest une perversion. Tous les patients que jai eus et qui étaient passés par là mont raconté quen prison ils avaient appris à perdre le sens de lautre et à éteindre en eux tout sentiment humain pour éviter de souffrir. Quand ils sortaient de prison, ils étaient encore plus violents quen y entrant. La société doit trouver de véritables solutions aux problèmes de la violence et réfléchir à ses causes socio-économiques.
Entretien réalisé par Anne Rapin
* Léthologie est létude scientifique du comportement des animaux dans leur milieu naturel. Boris Cyrulnik, notamment dans le cadre de ses travaux sur lattachement, a combiné les enseignements et la méthodologie de léthologie, de la linguistique, de la psychiatrie, de la neurologie et de la biologie pour avoir lapproche la plus globale et la plus juste de la place de lhomme dans le vivant.
Pour aller plus loin
De Boris Cyrulnik :
Mémoire de singe et
paroles dhomme (1983), éd. Hachette, Paris, 1998.
Sous le signe du lien (1989), éd. Hachette, Paris,
1997.
Les Nourritures affectives, (1993), éd. Odile
Jacob, Paris, 2000. Traduit en allemand, danois, espagnol,
italien, néerlandais, polonais, portugais (Portugal et Brésil),
et russe.
Un merveilleux malheur, éd. Odile Jacob, Paris,
1999. Traduit en allemand, espagnol, italien, portugais.
Les Vilains Petits Canards, éd. Odile Jacob, Paris,
2001. Traduit en allemand, espagnol, italien, néerlandais,
danois, coréen (japonais et portugais à venir).